Dessiner devient comme une oscillation entre ce que nous ne sommes pas encore devenus et ce que nous sommes profondément : des êtres de carrefours.
Dessiner des géographies offertes, des désobéissances spatiales.
Dessiner des cartes, puisque nous sommes perdus…puis se recueillir pour continuer à cartographier le silence, l’espace possible des possibles. Et…lentement laisser venir sur le blanc du papier, l’espace des songes et la nébuleuse des voeux qui les précède.
La cartographie, comme une poésie, est une mise à distance du monde afin de mieux le parcourir.
Tracer les voyages, les maisons, les sanctuaires, les jardins, le quotidien comme adhésion aux mondes. Ressac incessant des jours, dessiner comme un chant d’amour adressé à notre part vivante, sans espérance et sans nostalgie.
Entre nos manques et nos plénitudes, entre ciel et terre, le dessin est le trait d’union entre le dehors et le dedans, entre ce que l’on croyait tenir pour réel et ce qui a déjà disparu.
Hors temps, le dessin devient géographie entre routes terrestres et déroutes célestes.
Les dessins forment l’archipel des souhaits nécessaires face à l’incurable barbarie.
Les dessins se posent comme gardiens de la puissance du chant du monde.
Cantiques minuscules, silences pérennes. Les dessins sont des poèmes sans topographies, nul besoin de les amener dans un topos particulier puisqu’ils s’adressent à un non–lieu universel.
Les dessins ourlent un rebord, une zone limitrophe comme des dialogues silencieux.
Arpenter le réel si extraordinaire :
le constant est l’immédiat,
le banal est merveilleux,
la boussole est coeur , pour chercher l’infini là où il ne se trouve pas.
Arpenter pour donner la main au monde, offrir le pied au chemin en acceptant de n’être rien.
De main en main, parcourir la vitalité non pas par un chant nihiliste mais comme une offrande à l’instant.
Les dessins forment ainsi la résurgence d’un monde réel où les rêves sont actes de présence, balises merveilleuses pour les lents arpenteurs que nous sommes…